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Autrefois, il y a très très longtemps, un énorme dragon habitait dans une montagne. Couvert d’écailles plus grandes que celles d’un poisson, il avait trois têtes, des ailes rouges, des épines sur le dos et des ongles sur la queue et sur les genoux : il portait un grand collier. Il était si horrible que celui qui le voyait de loin se faisait la peur de sa vie. L’abominable dragon quittait sa grotte pour s’allonger sur la route ; à peine quelqu’un prenait cette route qu’il ouvrait grand sa gueule, inspirait le passant et l’avalait. Hommes ou bétail, peu importe. ce monstre pompait tout ; et comme il était insatiable beaucoup avaient péris dans ses entrailles. Les gens comprirent qu’il allait les manger tous et se mirent d’accord pour envoyer une personne à sa grotte pour son repas de soir : il mangerait la victime et ne sortirait plus jusqu’au lendemain. Ils espéraient qu’il aurait la flemme et n’irait pas chercher ses victimes au village, mangerait moins et que d’ici là un chevalier se manifesterait et le tuerait. Ils réalisèrent leur plan. Tous les matins ils envoyèrent une personne à la grotte qui disait des prières en attendant l’apparition du dragon.
Il y a des années, il y avait deux frères. L’un était pauvre, l’autre riche. Lorsque leurs parents moururent, la vie du frère pauvre fut encore plus triste, car le frère aîné s’empara de tout l’héritage. Et le frère cadet n’avait rien. Sa femme et lui vivaient dans une grande misère. Lorsqu’il ne resta plus rien au frère cadet, il se décida à aller voir son frère aîné lui demander de l’aide, mais le frère aîné refusa tout net. Alors, le frère cadet alla pêcher pour faire la soupe. Comme ce jour-là le poisson ne mordait pas, il rentra bredouille, tête basse. Tout à coup, il remarqua des meules au milieu de la route. Il les prit et les apporta à la maison. Sa femme lui demanda : – La pêche a-t-elle été bonne ? As-tu apporté beaucoup de poissons ? – Non, femme, pas de poissons. Je t’ai apporté des meules. Il posa les meules par terre, et, par dépit, y donna un coup de pied. Les meules se mirent à tourner et à moudre. Ils virent alors le sel qui sortait des meules. Elles se mirent à moudre de plus en plus vite, et le sel s’entassait. Le couple se réjouit. Et le frère cadet se mit à réfléchir : où conserver le sel, et comment arrêter les meules ? Enfin il trouva : il renversa les meules, qui s’arrêtèrent alors. Ils commencèrent à mener la belle vie. Ils vendaient le sel moulu et ils vivaient dans l’aisance. Le frère aîné l’apprit, alla voir son cadet et lui dit : – Frère, prête-moi tes meules. Le cadet n’avait pas envie de prêter les meules à l’aîné, mais il les donna quand même. Le frère aîné apporta les meules chez lui et les poussa avec le pied. Les meules se mirent à moudre. Mais le frère cadet n’avait pas eu le temps d’expliquer comment arrêter les meules. Elles tournaient tant et tant que le tas de sel atteignit le plafond. Les murs se sont fendus. Le frère aîné, effrayé à l’idée que la maison allait s’écrouler, attrapa les meules et les jeta dehors. Elles dégringolèrent du haut de la montagne et tombèrent dans la mer, où elles coulèrent à pic. De nos jours encore, ces meules tournent et continuent à moudre le sel.