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Il y a cinquante ans, le 3 juillet 1962, était proclamée l’indépendance de l’Algérie. La République algérienne démocratique et populaire naissait après plus d’un siècle de colonisation. La joie alors immense fondait toutes les espérances. Pour commémorer l’événement, 24 écrivains évoquent ici leurs liens avec ce pays encore si jeune. Qu’ils soient algériens ou français, leurs textes témoignent de l’amour qu’ils portent à cette terre rude et attachante, de l’intérêt pour son histoire complexe et tumultueuse, des désillusions inévitables, mais aussi de leur espoir placé dans la jeunesse d’aujoud’hui.
Certains avaient l’Algérie dans la peau, d’autres l’ont rencontré par hasard, tous, elle ne les a jamais quittés. 24 voix uniques et passionnées pour une contrée multiple. Quel est ce pays capable d’exercer un tel sortilège ?
LIVRE PUBLIÉ EN PARTENARIAT AVEC LA CITÉ NATIONALE DE L’HISTOIRE DE L’IMMIGRATION
Sous la direction de Yahia Belaskri et Elisabeth Lesne
Le monde a changé, dit-on, depuis le 11 septembre 2001. Certes. Pour les Etats-Unis d’Amérique frappés au cœur par le terrorisme. Pour le monde, sidéré par les images des tours jumelles du World Trade Center en flammes, effondrées. Pour les pays d’islam mis en accusation. L’Irak puis l’Afghanistan ont cristallisé cette confrontation Occident-Islam.
Le monde a changé dit-on, depuis la révolution tunisienne et ce qui a été appelé le Printemps arabe. Certes. Printemps qui a entraîné la chute de dictateurs en poste depuis de longues années, Ben Ali fuyant comme un bandit, après avoir mis son pays en coupe réglée ; Moubarak, le pharaon tout-puissant régnant par la corruption et la brutalité, momifié par son peuple ; le fantasque El Kadhafi, leader autoproclamé d’un pays sans loi, sans droits ni institutions, renversé et traqué comme un rat. D’autres prédateurs suivront certainement pour confirmer ce changement.
Pour les Algériens, le monde a changé il y a cinquante ans. Brutalement. Avec du sang et des larmes. Après cent trente deux ans de colonisation française et plus de sept ans d’une guerre terrible qui a fait plusieurs centaines de milliers de morts, succédant à trois siècles d’occupation ottomane et d’autres occupations qui les ont précédés, le pays devient souverain. Le 3 juillet 1962 était proclamée l’indépendance de l’Algérie et naissait la République Algérienne Démocratique et Populaire. Pays exsangue, société déboussolée, mémoires blessées, la reconstruction est ardue et semée d’embûches.
Cinquante ans après, c’est un pays qui sort d’une guerre civile meurtrière, traumatisante, en proie à des difficultés sociales, politiques, économiques qui s’apprête à faire son bilan. A l’enthousiasme et l’utopie des premières années s’est substitué un immense désespoir malgré les ressources financières colossales engrangées ces dernières années. Cinquante ans après, le bilan des brutalités et humiliations subies jette un voile épais sur les réalisations qui auraient été accomplies. Les Algériens, femmes et hommes, sauront dresser le bilan nécessaire et engager les changements adéquats. Cela leur appartient.
Le travail littéraire présenté dans cet ouvrage, fait à plusieurs mains, ne prétend à rien, absolument rien d’autre que l’expression de subjectivités, individuelles, intimes, de femmes et d’hommes, aux horizons tout aussi éclatés, aux aspirations non moins variées, tous évoquant leur rapport à l’Algérie. Ce qui leur a été demandé, récit, témoignage ou fiction, et qu’ils expriment avec talent.
Ils sont Algériens vivant en Algérie. Et l’amertume les étreint, tordant leurs mots. Dans leurs textes, une guerre cache l’autre, l’occulte même et l’amertume fait oublier les rêves nourris par plusieurs générations. Rêves extirpés, arrachés, douleurs lancinantes, cicatrices profondes, tels se présentent-ils à nous, nus et libres, la rage au ventre, le verbe sanglant.
Ils sont Algériens, vivant en Europe, en particulier en France, et l’exil enrichit leur vision et leur regard. Attendris, sans altérer leur lucidité ni leur capacité créatrice, triturant les mots, les ciselant, pour dire la terre algérienne, ses blessures et les espérances de ses enfants.
Ils sont Français, nés en Algérie, y ayant vécu et / ou travaillé pour certains, l’ayant seulement visité pour d’autres, et leurs sentiments sont empreints d’amour, leurs mots irrigués d’indulgence, de bienveillance aussi et d’espoir.
Ils sont Français, nés de parents originaires d’Algérie, et leurs mots s’emmêlent, s’entremêlent, se croisent pour dire les souffrances d’hier, celles de leurs parents, les malentendus d’aujourd’hui, les leurs, et l’inconfort de leur situation.
Ecrivains pour la plupart, ou journalistes, critiques, enseignants pour d’autres, écrivant tous, ils dépassent le récit historique fabriqué, s’en détachent, le contournent, l’évacuent, se focalisent sur le sort de l’individu, l’être humain, dans son entièreté et dans ce qu’il a de plus profond, sa dignité d’Homme. Ainsi, ils offrent, non de la nostalgie, même si certains écrits la laissent deviner, mais de la lucidité, de la distance et, surtout, l’amour d’une terre rude et attachante, à l’histoire séculaire, tumultueuse, complexe et paradoxale.
Femmes et hommes, ils explorent le secret des mots pour rendre intelligibles les souffrances cachées, les cicatrices éventrées. Pas seulement, appelant à l’ouverture des cœurs et des esprits, ils se veulent résolument optimistes, croyant aux capacités de la jeunesse algérienne pour qui vivre dignement est le seul objectif.